Physiologie de la douleur Pr Abdoulaye BA Laboratoire de Physiologie et d’Explorations Fonctionnelles Faculté de Médecine, de Pharmacie et d’Odontologie UCAD.
Objectifs • Définir les termes « douleur » et « nociception » • Décrire le mécanisme d’action des substances algogènes sur la naissance de la douleur • Expliquer le phénomène de réflexe d’axone • Décrire la transmission de la douleur vers les différents centres d’intégration • Décrire le contrôle médullaire et supramédullaire de la douleur • Donner 2 applications cliniques particulières dans le siège et les manifestations de la douleur • Expliquer le mécanisme de l’effet placébo.
PLAN I. INTRODUCTION 1. Définitions 2. Intérêt II. NAISSANCE ET TRANSMISSION DE LA DOULEUR 1. Les stimuli nociceptifs 2. Les nocicepteurs 3. Les voies de la douleur III. CONTRÔLE DE LA DOULEUR 1. Contrôle médullaire 2. Contrôle supramédullaire IV. APPLICATIONS 1. Cliniques 2. Thérapeutiques V. CONCLUSION.
INTRODUCTION.
Définitions • La douleur se définit comme une expérience sensorielle et émotionnelle désagréable associée à une lésion tissulaire réelle ou potentielle ou décrite en termes d’une telle lésion. (de l’IASP: International Association for the Study of Pain = Association Internationale pour l’Etude de la Douleur).
Définitions • La nociception: est définie comme l’ensemble des effets induits par les stimuli susceptibles de compromettre l’intégrité physique de l’organisme (Sherington) Ou encore : Perception de ce qui peut nuire (du latin nocere).
Intérêt • Douleur Symptôme fréquent Signe d’alarme Orientation diagnostique Composantes multiples • Plusieurs options thérapeutiques.
NAISSANCE ET TRANSMISSION DE LA DOULEUR.
Les stimuli • Nature: mécanique, thermique, chimique, elect • Douleur aiguë: stimuli surtout mécaniques et thermiques • Douleur chronique: tous les types de stimuli • Stimuli mécaniques: objets contondants • Stimuli thermiques: Chaleur: au niveau de la peau (quand > 45° C) Froid: contact prolongé • Stimuli chimiques: exogènes (acides par exemple), endogènes.
Les récepteurs • Ce sont des terminaisons nerveuses libres (TNL) • Sont appelés nocirécepteurs ou nocicepteurs • Ils ne sont pas adaptables: les potentiels d’action au niveau de la fibre afférente se maintiennent tant que dure la stimulation Bénéfice: mise en garde tant que persistera le stimulus préjudiciable • Localisation: peau et autres tissus, moins abondants dans les tissus profonds.
Peau: Tissus lésés Libération de substances algogènes: H+, Adénosine, Bradykinine, Sérotonine (plaquettes) Histamine (mastocytes) Membrane cellulaire Phospholipides membranaires Acide arachidonique Prostaglandines (Pg) Phospholipase A2 Cyclo-oxygénase (Cox) Substances algogènes Peau Terminaisons nerveuses libres.
• Réflexe d’axone: Libération de substance P (SP) par l’extrémité des neurones sensitifs (TNL) La SP réexcite directement les nocicepteurs ou indirectement par l’intermédiaire de l’histamine produite par les mastocytes Ce mécanisme permet d’entretenir la douleur • Les Pg abaissent le seuil de sensibilité des TNL (augmentation de la sensibilité), ce qui aboutit à une douleur de plus en plus intense: on parle d’hyperalgésie.
Réflexe d’axone: rôle de la substance P.
Les voies de la douleur • Elles sont multiples • Les projections sont diffuses.
• La voie spinothalamique est responsable de la composante sensorielle de la douleur • Spinothalamique ventrale = néospinothalamique Véhicule la douleur aiguë Fibres de types A delta: vitesse de transmission = 6 à 30 m/s Douleur d’origine mécanique et thermique La localisation du siège de la douleur est plus précise Le neurotransmetteur est le glutamate ++.
La voie néospinothalamique: Le 1er neurone quitte le récepteur racine postérieure corne postérieure homolatérale Le 2e prend le relais, décusse, traverse le cordon antérieur de la moelle, atteint le bulbe, le pont puis le mésencéphale projection dans le noyau ventropostérolatéral (VPL) du thalamus Le 3e est thalamo-cortical et projette sur l’aire somesthésique secondaire (SII) et accessoirement sur l’aire somesthésique primaire (SI).
Récepteur du tact protopathique SII Voie spinothalamique ventrale ou néospinothalamique.
• Spinothalamique latéral = paléospinothalamique Véhicule la douleur chronique Les nocicepteurs répondent à plusieurs modes sensitifs (polymodaux) Fibres nerveuses de type C: vitesse de transmission = 0,5 à 2 m/s Localisation moins précise du siège de la douleur Neurotransmetteur = substance P++.
Voie spino-thalamique latérale ou paléospinothalamique Le 1er neurone quitte le récepteur racine dorsale de la moelle corne dorsale homolatérale Le 2e prend le relais, décusse, traverse le cordon latéral de la moelle, atteint le bulbe, le pont puis le mésencéphale projection dans le thalamus (surtout au niveau des noyaux intralaminaires NIL et en partie au niveau du VPL) Le 3e projette sur SII et accessoirement sur SI.
Voie spinothalamique latérale.
• Spinoréticulaire Aboutit à la substance réticulée du tronc cérébral Assure la composante d’éveil • Spino-ponto-amygdalien Aboutit au niveau des amygdales Assure la composante émotionnelle (peur) et cognitive (mémoire de la douleur) • Spino-hypothalamique Aboutit à l’hypothalamus Assure la composante endocrino-végétative de la douleur (sécrétions diverses comme les larmes, tachycardie, polypnée).
CONTRÔLE DE LA DOULEUR.
Contrôle au niveau médullaire.
Théorie du portillon ou “gate control theory” • Melzack et Wall (1965) Théorie basée sur l’existence d’un interneurone inhibiteur au niveau de la corne dorsale de la moelle: le contrôle se fait donc à l’entrée de celle- ci porte d’entrée ou portillon L’interneurone fait synapse avec les fibres nociceptives (inhibitrices) et les fibres mécanoréceptives (activatrices).
• Exemple: Lorsqu’un orteil ou la face antérieure de la jambe heurte un objet dur, le fait d’appuyer ou de frotter vigoureusement la zone réduit la sensation douloureuse: possibilité d’intervention d’influx venant des mécanorécepteurs sur la modulation de la douleur par activation de l’interneurone qui inhibe les fibres de la voie spinothalamique.
Le gate control.
Système opioïde médullaire • Morphine = dérivée de l’opium Action analgésique connue depuis longtemps Mise en évidence: la morphine diminue la fréquence de décharge des neurones nociceptifs chez l’animal spinal Mécanisme d’action: existence de récepteurs opioïdes sur le pôle présynaptique des fibres afférentes, leur activation bloque la libération de substance P.
Contrôle au niveau supramédullaire.
• La substance grise périaqueducale serait activée par les opiacés Elle envoie des projections vers le raphé magnus qui, à son tour, envoie des neurones sérotoninergiques au niveau de la corne dorsale de la moelle Les neurones à sérotonine (5HT) activent un interneurone inhibiteur à enképhaline L’interneurone empêche la libération de SP par le neurone nociceptif de 1e ordre et ainsi, empêche l’excitation du neurone de projection de 2e ordre.
Neurone à sérotonine (5-HT) Voies de transmission de la douleur SP: substance P E: enképhaline 5-HT: sérotonine NRM: Noyau du Raphé Magnus Rgc: noyau Réticulaire Giganto-cellulaire SGPA: substance grise périaqueducale Interneurone à enképhaline A: niveau mésencéphalique B: niveau bulbaire C: niveau spinal Rôle des structures supramédullaires dans le contrôle de la douleur.
• Des composés analogues de la morphine ont été isolés au niveau des structures qui modulent la douleur au niveau du SNC: en plus des enképhalines, on a les endorphines et les dynorphines.
APPLICATIONS.
Applications cliniques.
Douleur projetée • Ressentie dans une partie du corps éloignée du tissu lésé: on parle d’irradiations • Souvent d’origine viscérale avec projection à la surface du corps • Important à connaître sur le plan diagnostique • Mécanisme: les fibres nociceptives d’origine viscérale font synapse au niveau de la corne dorsale avec des neurones qui reçoivent aussi des stimuli nociceptifs cutanés: le sujet a le sentiment que les sensations prennent origine au niveau de la peau.
Mécanisme de la douleur projetée Corne dorsale de la moelle Moelle épinière Neurones de 2e ordre.
Douleur neuropathique • Dans les maladies comme le diabète et le zona avec lésions cutanéo-musculaires • Il y a atteinte des fibres nerveuses des voies afférentes de la douleur alors que les tissus lésés se sont cicatrisés • La douleur évolue sous un mode chronique et résiste souvent aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS).
Douleur du membre fantôme • Après amputation, les patients ont l’illusion que le membre amputé est toujours présent • Cette sensation diminue dans le temps en raison d’une réorganisation des projections au niveau du cortex somesthésique (somatotopie) • Les neurones qui ont perdu leurs afférences originelles (en provenance du membre amputé) répondent à des stimulations tactiles d’autres parties du corps • Les manifestations sont à type de fourmillements, de brûlure.
Syndrome de Brown-Séquard • Les voies de la sensibilité tactile épicritique (voie lemniscale) et de la proprioception montent dans la moelle du même côté que leur origine • La lésion d’une hémi-moelle perte de la sensibilité tactile fine et articulaire du même côté en dessous de la lésion • Par contre, les voies de la douleur décussent au niveau de la moelle: une lésion diminution de la sensation douloureuse en dessous mais du côté opposé.
Aire somesthésique du cortex céré ral Capsule interne Noyau ventral ostéro-latéra u thalam MÉSENCÉPHALE Neurone de troisiéme Ordre Neurone de deuxiéme Ordre Neurone de premier ordre Faisceau spino- thalamique atéral Capsule interne Noyau ventra postérieur du thalamus Lemniscus médian MÉSENCÉPHALE Noyau gracile Aire somesthésique du cortex cerebral Neurone de troisiéme ordre Neurone de deuxiéme ordre Neurone de premier Ordre Cordon lateral BULBE RACHIDIEN Noyau cunéiforme Faisceau gracile BULBE Faisceau cunéiforme Récepteur de la chaleur Récepteur du froid Récepteur de la douleur Récepteurs de l'acuité tactile, de la proprioception Ou de la vibration Corne MOELLE ÉPINIÉRE postérieure Cordon postérieur MOELLE ÉPINIÉRE.
Syndrome de Brown-Séquard: tableau de dissociation sensorielle suite à une hémisection de la moelle.
Applications thérapeutiques.
• Actions périphériques Les AINS (Exemple: Ibuprofène), l’aspirine à forte dose et le paracétamol bloquent la cyclo- oxygénase et empêchent la synthèse de Pg Les glucocorticoïdes (exemple: Prednisone) inhibent la phospholipase A2 et donc, la libération de l’acide arachidonique et la synthèse de Pg • Actions centrales: la morphine agit sur le SNC.
• Effet placébo: C’est une réponse physiologique à l’administration d’un médicament pharmacologiquement inactif Exemple: douleur post-opératoire soulagée par une injection de sérum physiologique Mécanisme: libération centrale de substances morphiniques. En effet, l’effet placebo peut être bloqué en post-op par la naloxone (antagoniste compétitif des récepteurs aux opioïdes).
• Escalade thérapeutique antalgique de l’OMS Palier I: non morphiniques (Paracétamol, Proparacétamol, Aspirine, Nefopam) Palier II: morphiniques (Dextroproxyphène, Phosphate de codéine, Tramadol) Palier intermédiaire II-III: morphiniques (Temgesic) Palier III: morphiniques (morphine).
• Médicaments coantalgiques Antidépresseurs: action sur la composante neurogène de la douleur à des doses inférieures à celles antidépressives Antiépileptiques (Ex: Carbamazépine = Tegretol): efficace à dose anticonvulsivante) Corticoïdes: dans les douleurs à forte composante inflammatoire (en rhumato et en cancéro) Anesthésiques locaux: inhibent la conduction de l’influx nerveux • Chirurgie: cordotomie dans les douleurs rebelles.